Mois après mois, découvrez les coulisses des images qui composent le Calendrier Indionature 2019. Ce billet de blog raconte l’histoire de la photo du mois de janvier.
Objectif sans thé
Il a neigé toute la nuit. En imaginant la couche de poudreuse qui couvre les épicéas et les pentes, je prévois de monter chercher les chamois dans l’après-midi. Hélas, une cape de brume décourageante enveloppe encore les crêtes malgré que le bulletin météo annonçait quelques éclaircies. En début d’après-midi, je décide de quand même tenter le coup. Je prépare donc mon matériel pour la montée en peau de phoque. Deux paires de gants (des tous fins pour l’ascension et des plus épais pour la permanence en altitude), bonnet, grosse veste, sous-vêtements techniques de rechange, skis, bâtons, peaux, chaussures, jumelles et évidemment appareil photo et quelques objectifs. Mon sac atteint déjà presque 15 kg mais, vu qu’il reste encore un peu de place, j’hésite longuement entre le thermos de thé chaud et le 100-400 mm… 🙂 Finalement, du moment que je connais plutôt bien le secteur et que ma sortie ne devrait pas être trop longue, je spécule un peu et je décide de prendre l’optique. Le terrain me dira si ma décision a été sage ou pas.
Après quelques centaines de mètres de dénivelé, le brouillard se dissipe peu à peu et laisse entrevoir la beauté de la montagne hivernale. Je m’arrête pour prendre quelques photos et reprend la montée à un rythme plus soutenu dans l’espoir de vite trouver des chamois.
L’appel du chamois
Ce n’est qu’une heure plus tard environ, vers 16h15, que j’entends le sifflement typique d’un chamois. Je lève la tête vers la petite falaise qui me surplombe. Rien. Avec le cœur qui tape très fort dans la poitrine à cause du mélange entre l’effort et l’émotion, je scrute les vires et les petites pentes herbeuses aux jumelles. Je découvre enfin un petit groupe de chamois qui broutent les herbes fanées. Je poursuis l’ascension en corrigeant ma route pour m’éloigner des chamois et pouvoir les approcher par le côté. Le détour me coûte beaucoup d’énergie et je commence à sentir le poids du sac qui tire sur mes épaules. Quand enfin j’arrive plus ou moins à hauteur des bêtes, je m’aperçois qu’en raison de la conformation du lieux je ne les vois plus… Mince. Impossible de savoir si au moins elles sont encore là. Pour le savoir, il faut que je m’approche en sortant de la petite combe où je suis. Toujours à ski, je m’approche donc attentivement de la pente rocheuse où je les avais repéré une heure plus tôt. Je décide ensuite de poursuivre à pied car le sol est en partie déneigé. Derrière mois, le brouillard se donne en spectacle entre les cimes des épicéas…
Plein cadre sur le vide
Je ne peux pas les voir, mais je sens qu’ils sont là, juste derrière ce ressaut rocheux. Je prépare mon matériel, change mes habits trempés par la montée et m’enveloppe dans un filet blanc comme neige. Je parcours les derniers mètres à quatre pattes. Lorsque je jette un œil par dessus le dernier bloc qui couvre mon avancée, je croise le regard profond d’un chamois en équilibre sur le bord de l’abîme. Plus intrigué par ma présence qu’effrayé, il m’observe curieusement pendant quelques minutes. Je le remercie tacitement pour son indulgence et profite pour lui tirer le portrait. Je reprends discrètement mes skis et poursuis mon ascension pour rejoindre les autres chamois sur la crête en passant par un petit couloir. La nuit ne va pas tarder à tomber.
L’heure du thé
Après une bonne demi-heure en compagnie des chamois, je commence à sérieusement regretter le thé chaud… Le froid devient de plus en plus insupportable. Les animaux restent impassibles, bien que le vent se renforce et que la brume reprend son assaut depuis le bas de la pente. C’est désormais l’heure bleue, le moment est venu de redescendre. Chaussés les skis, je glisse avec mon fardeau de matériel et d’émotions au cœur d’un décor grandiose. Et tant pis pour le thermos.