Chaque dimanche, découvrez une image de saison et les coulisses originales du terrain. Aujourd’hui, affût matinal au tétras lyres.
Le photographe naturaliste est un lève-tôt… ou un lève-tard ? Ça dépend. Aujourd’hui le réveil m’arrache des bras de Morphée à 2h du matin. L’appel de la montagne me fait immédiatement sortir de mon lit douillet. Je m’habille les yeux fermés et dix minutes plus tard je quitte le chalet. La forêt est noire, silencieuse et, sans repères, elle me paraît immense. Une heure et demie et quatre étoiles filantes plus tard j’arrive sur la crête. J’éteins la frontale et rejoins mon affût installé la veille. Il est 03h55, je suis prêt. L’attente commence et le sommeil me regagne malgré l’inconfort de l’affût. L’aube n’est encore qu’un soupçon quand le premier tétras-lyre atterrit bruyamment dans l’arène en me faisant sursauter. Trois autres coqs le rejoignent dans la foulée et la parade commence. Les oiseaux dansent et se défient dans la lueur matinale sur un tapis de crocus, inconscients de ma présence. C’est alors que deux randonneurs arrivent sur la crête est en même temps que le soleil. Eux aussi imprégnés par la magie de la scène, ils avancent vers les tétras lyres avec le smartphone levé pour immortaliser le spectacle. Ils ne sont pas malintentionnés, mais je crains qu’ils ne réalisent probablement pas que leur approche à découvert va inévitablement perturber la quiétude de ces animaux fragiles dans la phase la plus intime et importante de leur cycle de vie. Caché dans mon affût, je suis dans l’impuissance de faire quoi que ce soit pour les arrêter et leur expliquer, au risque de déranger moi-même les petits coqs en parade. Maintenant les oiseaux remarquent les bipèdes. Les tétras rangent leurs lyres et dégonflent leur plumage. Encore un pas, et ils s’enfuient en direction de la forêt protectrice. Ils ne reviendront hélas plus aujourd’hui.
Peu à peu, au fond de moi, la tristesse et la colère laissent la place à un sentiment de grande détermination : continuer à raconter des images et des histoires pour faire connaître et sensibiliser tous les usagers de la montagne, afin que le partage de ses richesses fragiles se fasse en conscience et dans le respect. J’y crois!