Chaque dimanche, découvrez une image de saison et les coulisses originales du terrain. Aujourd’hui, c’est le tour de la chevêchette d’Europe.
Le virus m’a quitté sans dire au revoir et l’envie de m’évader se fait insupportable. La tension monte : ma première excursion sera crucialement symbolique. Au bout de 10 jours d’isolement, je ressens paradoxalement le besoin d’être seul. De respirer l’air pur, de sentir le froid qui me picote le visage. Je quitte donc le printemps et la plaine à la faveur d’un mélézin situé à 1800 m. Les rires d’un pivert accompagnent ma montée à skis sur une épaisse couche de neige. Traces de lièvre variable, d’écureuil, de cerfs et d’un renard. Le sifflement mélancolique d’un pic noir retentit dans les profondeurs des bois et un vol de becs-croisés survole les sapins. La vie est partout, riche, diversifiée, fascinante. Je renais à chaque pas malgré les muscles qui brûlent pour l’effort. Tout est parfait ainsi, mais au fond de moi j’ai l’espoir secret de pouvoir croiser le regard magnétique de la chevêchette. Dans une petite clairière, la-voilà débarquer de nulle part avec un vol totalement silencieux. Le fantôme aux yeux jaunes se pose sur une branche morte tapissée de lichens, face à moi. Nous passons deux heures ensemble : le plus beau des cadeaux.