Chaque dimanche, découvrez une image de saison et les coulisses originales du terrain. Aujourd’hui, affût au nid du pic noir.
KIOUUUU ! Un cri plaintif déchire le silence de la hêtraie… et mon roupillon. C’est le pic noir qui appelle à nouveau. Depuis l’aube, je suis posté face à un vénérable foyard qui abrite un nid du plus grand et spectaculaire de nos pics : jusqu’à 46 cm de longueur et presque 70 cm d’envergure ! KIOUUUU ! En cinq heures, les parents sont venus trois fois pour nourrir leurs poussins dans une grande loge creusée ce printemps. Entre deux nourrissages, à part un couple de colombins qui s’affaire dans le feuillage en roucoulant, rien ne bouge. De quoi piquer une sieste, franchement… Et je me suis assoupi, en rêvassant de pics, de loges et de bêtes sauvages. Jusqu’à ce que l’appel du pic noir me ramène sur Terre. KIOUUUU ! Les cervicales me font mal à cause de cette sieste dans l’inconfort, mais mon œil retrouve automatiquement le viseur. Un jeune guigne par la loge, affamé et visiblement excité par les cris du parent. Et il ricane à répétition, presque déjà comme un adulte. Mon index caresse le déclencheur, tous mes sens sont aux aguets. Le nourrissage sera furtif et rapide, pas le droit à l’erreur. En trois coups d’aile, l’oiseau noir traverse la clairière et s’accroche au bord de la loge avec ses longs doigts griffus en prenant appui sur le tronc avec sa queue. C’est la mère, reconnaissable à sa tache rouge réduite à la nuque. KIOUUUU ! Elle lance encore une fois son appel mélancolique, puis introduit dans la cavité son bec en poignard rempli de fourmis pour donner à manger à ses petits, loin de regards.