Chaque dimanche, découvrez une image de saison et les coulisses originales du terrain. Aujourd’hui, face-à-face avec la rare gorgebleue à miroir roux.
Les pentes nord et leurs vernes sont encore ensevelis sous une épaisse couche de neige, mais des aiguilles vert pomme habillent déjà les mélèzes. En montagne aussi, le printemps pointe enfin le bout de son nez. La lande alpine chante de partout : traquets motteux, merles à plastron, tariers des prés et autres pipits spioncelles se mesurent à coups de notes flutées et grincées parmi les rhododendrons. Soudain une nouvelle voix s’élève dans le concert matinal. Un phrasé d’abord hésitant, au timbre métallique, qui va en s’accélérant dans une cascade d’imitations et un mélange de sifflements variés. Puis le silence. Le temps s’arrête. Je rêve ? La musique reprend, au loin, mais l’oiseau demeure toujours invisible. Et je suis déjà fou de joie : ce chant varié appartient à la rarissime gorgebleue à miroir roux ! Contrairement à sa cousine de plaine au miroir blanc et qui affectionne les zones humides, cette merveille arbore une bavette bleue tachetée de roux et vit dans les landes et les brousses d’arbustes nains des régions boréales et arctiques… et aussi parfois dans les Alpes, avec une minuscule population. Autant dire que croiser un de ces bijoux à la poitrine cobalt et rubis est un petit miracle… La-voilà enfin se pavanant parmi les rhubarbes des moines, en m’ensorcelant.
